Table Hellemmoise (5), et château Grillet

Didier me contacte courant janvier. Il dispose d'une impressionnante série de Grillet et de Condrieu.

Je suis intimidée...
Je devine que nous risquons de vivre un moment grandiose.
Pour moi, un challenge, car hormis le 1985 que j'avais déjà eu la chance de déguster dans le cadre d'accords mets/vins, les autres millésimes ne m'apparaissent que comme des livres ouverts qui laissent dériver les imaginations les plus grisantes et enivrantes...
Didier me tranquillise, me rassure, et de mail en mail me fait parvenir des notes détaillées de chacun de ces vins, classés, ordonnés selon leur typicité, structure ou encore leur complexité de saveurs.
Un travail de passionné auquel il se livre, et il me tient à cœur de ne pas décevoir...
Je crois en la nécessité d'une alliance de consistance, en raison de la minéralité des vins. Plus que la recherche de compositions de saveurs - encore qu'elles aient été travaillées - je choisis de jouer des textures. Des moelleux aux rigueurs acides et salines (bar à l'encre de seiche et ris de veau au citron confit), des chairs souples et fluides aux épanouissements floraux et amers (espuma de violette parfumé à la baie de Setchuan et gelée d'huître au celéri)
Didier approuve. Pour plus de certitude, nous nous donnons rendez-vous dans l'après-midi pour rectifier si besoin était l'ordonnancement des vins.
Je suggère effectivement une permutation, et nous trouvons avisé de modifier une recette. Juste une...Seulement une... Et au final, ces diables de Grillet auront eu un comportement exemplaire sur ma cuisine.
Les seuls trublions? Didier et moi, pour discuter, débattre, nous passionner, et rire... en compagnie d'amis enthousiastes, aux discussions riches et intenses, captivantes!




Mises en bouche

1- Sucette de foie gras aux pommes granny.

2- Soupe glacée de fraise à l'espuma de violette

3- Brochettes de gambas et d'ananas rôti aux épices

Contour de Deponcins, 2006 Domaine Villard

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Iles flottantes aux asperges, verrine de carottes à l'orange confite

Château Grillet 1999 et 1990

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Carpaccio de Saint-Jacques sur un lit de gelée d'huîtres au celeri

Château Grillet 1996 et 1985

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Coteau de Vernon 1983, Domaine Georges Vernay

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Pavé de bar à l'encre de seiche, purée de morilles au cumin

Grillet 1994 et 1997

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Pomme de ris de veau aux citrons confits, parfumés à l'origan

Château Grillet 1995 et 2001

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Brillat-Savarin moulé à la louche et contisé de truffe

La Dorianne 1999, Domaine Guigal

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Mascarpone de pistache rafraîchi aux fraises

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La Dorianne 2005, Domaine Guigal



Le Contour de Deponcins a exprimé une des plus belles tessitures aromatiques du viognier. Les trois mises en bouche n'ont pas forcément été un trio gagnant, quoique les avis aient divergé. Disons que chacun s'est satisfait d'au moins un accord sur les trois, voire deux. Me concernant, l'ananas épicé aux gambas a entraîné à sa solde un vin qui souffrait de ne pas assez s'étirer.

L'Ile flottante aux asperges vertes, que j'avais choisi d'associer avec une verrine de carottes à l'orange confite, a constitué un plat tripartite en terme de saveurs.
Les concours gustatifs avec le Château Grillet 1999 et le 1990 se sont joué des récurrences comme des distances mais toujours sensibles, où l'éloignement n'est jamais une ligne de fuite mais une captation constante des saveurs...

Le carpaccio de noix de Saint-Jacques sur son lit de gelée d'huîtres au céleri a constitué sans doute l'un des plus beaux accords. Selon moi. Les Châteaux Grillet 1996 et 1985 ont tenté les plus beaux saisissements du mets sans qu'ils ne se lestent d'aucune de leur force aromatique. Plus que de la juxtaposition, l'accord s'est voulu pointilliste pour une harmonie complexe et sublime.



Terrassement d'émotions...
Il nous fallait au moins un temps pour renaître...Le condrieu Coteau de Vernon 1983, de Georges Vernay a été apprécié pour lui-même...

Les châteaux Grillet 1994 et 1997 ont résisté au pavé de bar à l'encre de seiche. Droiture et finesse que ces deux consorts pour dominer un bar majestueux, empli de cette minéralité pélagique que seule l'encre a gravée sur toutes les conjonctions sapides tant terriennes (purée de morilles au cumin) que marines.



Et puis il s'en est allé de Grillet 1995. Incontestablement en difficulté dès les premières dégustations. Didier ne le trouve pas consubstantiel à l'esprit des vins de Grillet, et souhaite qu'il ne soit pas mis à table. Fervente de vins non ouillés, la légère oxydation de ce Grillet 1995 me convient. La suite des événements me donne raison.

A table, l'enfant terrible a insolemment pris possession des saveurs confites du citron (parfumé à l'origan et déglacé à l'huile d'olive).
Néanmoins le Grillet 2001 a correspondu davantage au plat, en raison essentiellement de la consistance du ris de veau pour soutenir, quant au vin, une bouche dodue, et sans complexes pour faire parler de précieux arômes de citron ou d'agrumes qu'il était possible d'associer avec le plat.


Le dessert, enfin, s'est vu maîtrisé par les deux (pourquoi deux? car le 1999 m'est resté dans le verre alors qu'il avait été dégusté préalablement sur le fromage) Doriane de Guigal, mais une maîtrise palpitante et attachante, oserais-je dire où pour rendre les armes il s'est fallu pour la pistache, la crème (de mascarpone, donc grasse) et l'acidité de la fraise de convenir des superlatifs de saveurs de ces deux Condrieu. Concernant ces deux Doriane, une discussion sur l'élevage a permis que je rebondisse concernant le 2005. A lire...


Qu'il me soit donné de remercier Didier de sa générosité, de l'écoute attentive qu'il a su manifester quant à mes associations culinaires.
Les discussions passionnées, savantes, bien souvent, ont sans doute été la plus belle œuvre de cette rencontre.


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